Il y a quelques temps, une amie d’enfance de Toulon, Claire, me contacte. Nous ne nous étions ni vu ni eu au téléphone depuis deux ans. Elle est psychologue et venait en Bretagne pour une formation, nous en avons donc profité pour passer une soirée ensemble ! Cette année-là, je me rendais régulièrement à Brest pour suivre les cours du DU d’hypnose médicale et clinique. Au cours de ces quelques heures partagées, elle m’annonce qu’elle est maman d’une petite de deux ans et que ses conditions de grossesse ont été compliquées.
En effet, lorsqu’elle apprend qu’elle est enceinte, une de ses collègues de travail, qui était à 7 mois et demi de grossesse, perd son bébé ! L’événement plombe l’ambiance du service, Claire a des moments d’angoisse lorsque la collègue en question est de retour, certaines situations provoquent un malaise général et il perdure après la naissance de sa petite Gabrielle ! Claire me dit qu’elle se sent en colère par rapport à cette situation, qu’elle souhaiterait en parler à sa cadre sans savoir comment aborder le sujet. Elle a la sensation que « sa colère est un gros rocher » et qu’il faudrait « mettre un bâton de dynamite dedans pour tout faire péter ! » En entendant ça, je lui demande si elle ne serait pas partante pour faire une séance d’hypnose… pour gérer cette émotion, ce serait peut-être le moment pour elle de s’occuper de ce « rocher » ! Elle me répond pourquoi pas. Je lui suggère d’y réfléchir jusqu’au lendemain et si elle est toujours d’accord, qu’elle m’appelle en sortant de sa journée de formation !
Elle accepte, vient à la maison le jour suivant et me dit qu’elle n’a jamais fait d’hypnose. Je lui réponds qu’elle en a déjà fait sans savoir que c’était ça ! Je lui explique en quoi consiste cet outil et que nous allons faire simple, je vais partir du rocher dont elle parlait la veille, qui représentait sa colère.
Je lui propose de s’installer sur le canapé de son choix. Je suis assise sur un pouf en face d’elle. Entre nous deux, une plante est posée sur une table basse.
E : Peux-tu me décrire précisément ce rocher ? Sa taille, sa forme, sa couleur et son aspect ?
C : Que je te décrive le rocher ?
E : Oui !
Elle réfléchit quelques secondes.
C : Il est haut comme ça (en faisant le geste de la hauteur d’une personne assise), je ne peux pas faire le tour avec mes bras pour la largeur, il est de la même couleur que la roche volcanique, avec des petits trous un peu partout, d’où sortent des petites pousses végétales d’un vert vif.
Elle se met à rire.
E : Pourquoi tu rigoles ?
C : Parce que je peux plus bouger !
Elle était assise sur le canapé, un peu penchée vers sa droite.
E : Ok … donc le travail a commencé, c’est parti !
Les rires se transforment en sanglots, ses yeux se ferment.
E : Dis-moi ce qu’il se passe pour toi ?
C : Je sens le rocher dans ma gorge…(dit-elle en pleurant)
E : Ok, tu veux faire quoi ? Le prendre avec en allant le chercher avec ta main ou le laisser sortir tout seul ?
C : Tu veux que je fasse quoi ?
E : Moi je ne veux rien, c’est toi qui sens, fais confiance à ton corps, c’est lui qui va te guider ! Dis-moi ce que tu ressens ?
C : J’ai l’impression de le sentir remonter…
E : Ok très bien, alors laisse le remonter et dis-moi quand tu sens un changement
Pendant ce temps-là, sa respiration s’accélère, les muscles de son visage se tendent, les larmes continuent de couler.
C : J’ai du mal à respirer … J’ai du mal à déglutir … C’est hyper désagréable… Je le sens remonter… J’ai envie de vomir …
Je pars chercher un seau dans une pièce à côté que je dépose à sa gauche.
E : Si tu as besoin de vomir, y a un seau à ta gauche à portée de main.
Je reste assise en face d’elle et suis attentive à la moindre de ses réactions
C : C’est de plus en plus difficile, c’est douloureux
E : Ce que tu ressens est normal…
Après quelques instants, je vois sa bouche s’ouvrir progressivement, ses mâchoires se mobilisent de façon saccadée. L’ouverture se fait de plus en plus grande jusqu’à ce qu’elle rapproche ses mains de son visage en sanglotant et qu’elle sente ce qu’elle avait dans la bouche se déposer dans ses mains. Elle pose l’une d’elles sur sa cuisse et l’autre sur le canapé.
Je vois les muscles de son visage se relâcher et sa respiration ralentir. Ses yeux restent fermés.
E : Comment tu te sens ?
C : Je me sens plus sereine, plus calme… plus apaisée ! J’ai l’impression d’avoir craché un gros morceau !
E : Ok, super ! Alors tu vas peut-être pouvoir ancrer ses sensations de sérénité, de calme et d’apaisement, avec un geste, n’importe lequel, celui qui fait le plus sens pour toi, que tu pourras réutiliser, quand tu en auras besoin, pour réactiver ses sensations agréables lorsqu’une situation inconfortable se présentera !
Après quelques secondes, elle pose la main gauche sur son thorax.
E : Ok, super ! je te laisse profiter pleinement de ces sensations de calme, de sérénité et d’apaisement quelques instants !
E : … quand ce sera le bon moment pour toi … tu pourras prendre une grande inspiration … et rouvrir les yeux pour revenir ici et maintenant.
Après quelques secondes, elle veut ouvrir les yeux mais ses paupières restent collées.
C : J’essaye d’ouvrir les yeux mais j’y arrive pas !
Elle reste calme, moi aussi ! Je me demande ce qui l’empêche d’ouvrir les yeux et après quelques instants elle remue son bras droit… je ne vois pas sa main, la plante de la table basse la cache.
E : Qu’est ce que tu as dans la main droite ?
C : Ben le rocher ! !
Evidemment !
E : Ok alors c’est pas terminé… ce rocher, maintenant qu’il est sorti et qu’il semble plus petit, es que tu peux l’écraser dans ta main ?
C : Ben non ! Il est encore trop dur !
E : Ok … Donc tu vas faire comme si… Ton bras et ta main était fait dans un métal hyper puissant qui puisse pulvériser n’importe quelle matière…
Elle lève sa main droite au-dessus de sa cuisse et referme ses doigts sur sa paume, les bouge comme si elle écrasait, égrenait le rocher, que je ne vois pas mais qu’elle sent dans sa main. Puis Claire époussète sa cuisse droite pour mettre à terre les derniers résidus du rocher ! ! ! Et là, elle rouvre les yeux et me dit sur un ton de surprise énergique : « Putain, c’était super puissant ton truc !!! » J’ai répondu calmement : euuuhhh oui, j’ai vu !
Elle s’étire et baille. Je la laisse tranquillement finir de se réassocier. Après un exercice de vérification, on échange sur ses ressentis pendant la séance. Elle me dit qu’elle n’a pas eu peur malgré la douleur éprouvée, qu’elle avait confiance et me sentait présente.
Avant que Claire ne parte, je lui demande de m’appeler à la fin de la semaine suivante, qu’elle me dise si cela avait modifié quelque chose dans ses relations professionnelles et si oui, de quelle façon !
Elle me recontacte donc la semaine d’après et me dit que sa semaine s’est super bien passée, qu’elle a pu évoquer facilement sa petite fille avec ses collègues, que la collègue qui avait perdu son bébé soit là ou pas, qu’elle sentait que quelque chose avait vraiment été traité et que le malaise général s’était estompé ! Elle a ajouté qu’elle avait réactivé l’ancrage chaque matin et senti son efficacité.